
La thérapie génique
DÉVELOPPEMENT ET PRODUCTION
Essais cliniques, étapes de développement :
Comme précisé précédemment, les manipulations génétiques associées à la thérapie génique doivent être faciles à introduire, efficaces, prolongées et inoffensives. Néanmoins, ces nouveaux outils thérapeutiques doivent aussi être produits en quantité suffisante, dans des conditions de bonnes pratiques cliniques et pharmaceutiques, et être stables dans le temps. En effet, il faut s’assurer que le gène médicament remplisse correctement son rôle et répare, remplace, ou supprime l’anomalie génétique responsable de la maladie en question. La préparation et le développement d’un tel médicament sont longs et périlleux. On peut les classer en plusieurs étapes :
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Recherches fondamentales
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Test pré-cliniques
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Essais cliniques
1. Recherches fondamentales
La toute première étape est expérimentale et consiste à traiter 3 problématiques :
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Choix du gène thérapeutique
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Choix du vecteur
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Choix de la stratégie à adopter pour administrer ce vecteur
→ Les deux dernières problématiques sont fortement liées : si on décide de procéder in vivo, on choisira généralement un vecteur de petite taille qui puisse circuler dans le sang sans être intercepté ou filtré (par les filtres pulmonaires par exemple), tandis qu’une injection ex vivo obligera à choisir un vecteur compatible avec les cellules prélevées.
Il est souvent très difficile de répondre entièrement à toutes ces problématiques, et il convient parfois de prendre des risques et de passer directement à l’étape suivante sans être certain de la sûreté et de l’efficacité du “gène médicament” choisi.
2. Tests pré-cliniques :
L’objectif de cette étape est de valider les choix faits lors de l'étape précédente, par le biais de divers tests et essais :
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Tests sur des cellules en culture (in vitro, à ne pas confondre avec in vivo)
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Tests in vivo sur des animaux en laboratoire
L’objectif de cette étape est principalement d’analyser l’efficacité du “gène médicament” et surtout de vérifier qu’il ne soit pas toxique afin de prendre le moins de risques possibles lors de la prochaine étape où les essais se feront sur l'homme.
Pour passer à l’étape suivante, de nombreux dossiers réglementaires doivent être constitués et déposés. Par exemple, en France, une partie de ces dossiers sont soumis à l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits) qui va passer en revue les aspects de la fabrication et des tests pré-cliniques du médicament.
3. Essais cliniques :
Les essais cliniques sont organisés sous forme de phases, tout est fait pour que les patients soient protégés au mieux (comme précisé auparavant les essais sont maintenant réalisés sur l’homme et plus sur une culture in vitro ou sur un animal).
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Phase 1 : étude de la sûreté du médicament :
L’objectif de cette phase est de vérifier la sûreté du médicament, c’est-à-dire étudier la dose limite, et la fréquence optimale d’administration. Les effets secondaires sont aussi surveillés de très près. Ces essais incluent seulement quelques patients sains qui sont des volontaires.
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Phase 2 : étude de l’efficacité du médicament :
Cette phase est complémentaire à la première : la sécurité est surveillée de près, mais l’analyse est aussi focalisée sur l’efficacité du médicament : comment il fonctionne et comment réagit le corps humain. Ces essais incluent généralement un peu moins de 100 patients malades, qui testeront différentes doses du médicament. La dose considérée comme optimale sera conservée pour la phase 3.
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Phase 3 : comparaisons avec des traitements valides :
L'objectif de cette phase est de comparer le médicament, ou le traitement en question à un traitement valide déjà commercialisé sur le marché. Ces essais incluent des centaines de patients malades partout dans le monde, qui seront aléatoirement répartis soit dans le groupe “témoin” soit dans le groupe expérimental. Cette phase est bien plus longue que les deux précédentes. Si les essais sont positifs, il ne restera plus qu’à remplir un bon nombre de dossier réglementaires comme ceux de l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché), puis le médicament pourra enfin être commercialisé.
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Phase 4 : “Post Marketing” :
Cette phase a pour objectif d'étudier les potentielles complications tardives et les effets secondaires inattendus après la commercialisation du médicament. Elle représente un suivi sur le long terme et implique des centaines voir des milliers de personnes.
Depuis 1990, presque 2400 essais de thérapie génique sont clos ou en cours. Néanmoins, la majorité sont "précoces" : 58% en phase 1 et seulement 4% en phase 3. Heureusement ces chiffres évoluent dans le bon sens avec l'arrivé de nouveaux vecteurs dérivés de lentivirus et d'AAV.
Quelques médicaments utilisés :
Il y a une vingtaine d'années, des molécules simples et sans vecteurs viraux étaient utilisées : les oligonucléotides, faisant office de médicament pour traiter des maladies via la thérapie génique. Cependant, des produits biologiques innovants ont petit à petit été créés avec un développement bien plus complexe et nécessitant des réglementations pharmaceutiques précises, afin garantir la reproductibilité et la sécurité des prélèvements de cellules, de manipulation, d’adressage des vecteurs viraux, etc … En voici quelques uns qui ont étés approuvés :
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Gendicine : Vecteur adénoviral utilisé pour le traitement du cancer de la tête et du cou. Il s'agit du premier médicament innovant mis sur le marché en 2003 en Chine. Le gène utilisé est un gène suppresseur de tumeur : TP53 (ou P53, voir onglet Exemples de traitements), codant pour une protéine essentielle au contrôle de la qualité de l'ADN, en arrêtant la division cellulaire et en facilitant la réparation de l'ADN. La perte de sa fonction entraîne des erreurs dans l'ADN qui finissent par provoquer le cancer.
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Glybera : AAV contenant le gène LPL, utilisé pour le traitement du déficit familial en lipoprotéine lipase qui est une protéine dégradant les triglycérides, molécules lipidiques des tissus adipeux. Il s'agit du premier médicament commercialisé en Europe en 2012 (il a été retiré récemment).
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Imlygic : Virus oncolytique utilisé pour le traitement du mélanome qui est une tumeur de la peau. Il a été commercialisé en 2015 aux Etats-Unis et en Europe. Le virus infecte de préférence les cellules des mélanomes et provoquent leur mort. L'infection virale entraîne également la production d'une cytokine, la GM-CSF, qui renforce la réponse immunitaire innée contre les cellules cancéreuses (phagocytose sélective).
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Strimvelis : Vecteur lentiviral utilisé contre des déficits immunitaires. Il s'agit du premier médicament associant thérapie cellulaire et thérapie génique. Il a été commercialisé en Europe en 2016. Des cellules de la moelle osseuse sont prélevées, les cellules précurseurs des lymphocytes sont sélectionnées et infectées par le vecteur lentiviral contenant le gène adénosine désaminase (ADA) dépourvu de la maladie immunitaire concernée (dénommé SCID, pour le syndrome d'immunodéficience combinée grave).
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Luxturna : AAV utilisé pour le traitement des maladies ophtalmiques causées par l’absence de l'enzyme RPE65, essentielle à la régénération du pigment visuel rétinol (dans la rétine de l’œil). Le vecteur contient ainsi le gène humain RPE65. Il a été commercialisé en 2017 aux Etats-Unis.
Plus de détails sur les actions et les traitements de thérapie génique seront explicités dans l'onglet suivant : Exemples de traitements.
De plus, si vous désirez avoir plus d'information au sujet des traitements médicaux de thérapie génique, n'hésitez pas à vous référer au site de l'agence européenne des médicaments : https://www.ema.europa.eu/en/medicines/human.
→ Un virus oncolytique est un virus utilisé après avoir supprimé son pouvoir pathogène, en le modifiant génétiquement pour qu’il détruise les cellules tumorales. Nous allons en parler dans l'onglet suivant ...